Nous étions le matin. Nika n'était pas sûre de l'heure exacte, sa montre s'était brisée il y'avait déjà quelques temps, un peu après le crash, mais le faible halo de lumière naissant laissait sous-entendre qu'il devait être près de 5 ou 6 heures du matin. Habituée à dormir peu, elle devait être une des rares debout à cette heure-ci. Elle n'avait ni faim, ni froid, ni sommeil. Dans un état stable, un état auquel chaque survivant s'était habitué, comme une sorte de coutume locale.
Nika avait marché lentement dans le sable, puis retira ce qu'il restait de ses mules qui n'étaient même pas à elle, et continua sa trajectoire, sentant la peau durcie sous ses pieds frôler le sable chaud, puis humide. Elle ferma les yeux en continuant d'avancer, levant les bras à l'horizontale, comme un funambule, espérant garder un minimum d'équilibre.
*** La panique, les cris, les pleurs, les hurlements, les derniers soupirs, le sang, la rage, l'épuisement. Elle avait vu un million d'émotions sous un million de formes ce jour là. Elle s'était réveillée en position presque foetale, sûrement une position réflexe de défense, au milieu de l'agitation et la panique générale. Elle qui aimait avoir et garder le contrôle, elle s'était retrouvée désemparée, impuissante face au spectacle tragique qui s'offrait à elle. Il lui fallut plusieurs secondes, qui lui semblaient durer une éternité, pour tenter d'analyser, comprendre. Nika ne se souvenait que trop vaguement du crash, son cerveau était un peu embué. La théorie la plus crédible à son goût était qu'elle s'était assommée. Elle n'était pas du genre à s'évanouir facilement, surtout lorsqu'on travaillait pour l'armée, mais elle n'avait jamais connu une situation aussi critique non plus.***
La tiédeur de l'eau soulagea ses pieds engourdis. Elle resta un bon moment dans cette position avant de laisser retomber ses bras, réouvrir ses yeux. L'horizon n'avait pas changé. Elle continua à puiser le calme dans l'océan. Comme tout le monde, elle gardait espoir, elle attendait ...